Peindre à partir d'une seule couleur : la technique du lavis

La technique du lavis est née en Chine au VIe siècle. Elle s’est ensuite répandue au Japon où de véritables maîtres en la matière ont su transcender cette pratique.

Il s’agit ici d’utiliser une seule couleur, de l’aquarelle ou de l’encre et, de plus ou moins la diluer avec de l’eau. Cette dilution permet d’obtenir des intensités de couleurs différentes.

Découvrez ici comment cette technique est apparue et comment elle s’est développée.

Je vous donne également quelques conseils pour réaliser votre propre lavis.

 

Histoire du lavis

 

En Chine

Lavis vient du mot laver ou délaver, c'est-à-dire en mélangeant de l’eau.

Ce diluant s’adresse donc à l’aquarelle ou à l’encre.

Le nom de lavis s’applique aussi bien à la technique qu'à l'œuvre terminée.

Le lavis à l’encre est apparu en Chine, au VIe siècle. Les Chinois sont particulièrement friands de cette technique, encore aujourd’hui.

Voyage au travers de passes de Montagnes - Dai Jin

Au Japon

Cette technique arrive au Japon au Xe siècle. Les Japonais deviennent les maîtres de cet art. Leur philosophie et leur religion tournées vers la nature expliquent que la plupart de leurs œuvres représentent des paysages. Les lavis sont appelés sumi-e ou suiboku-ga. Comme les Chinois, les Japonais les pratiquent avec de l’encre noire majoritairement.

Comme toutes les pratiques japonaises, le sumi-e demande une grande rigueur, de la discipline et le respect des règles. Il faut dire qu’il est pratiqué en premier lieu au Japon par les moines, maîtres zen. Ils apportent au suiboku-ga une dimension spirituelle.

À l’instar de la préparation du thé matcha qui est une véritable cérémonie, la préparation au sumi-e est très protocolisée.

Il atteint son apogée durant la période Muromachi grâce aux maîtres Sesshũ et Sesson Shukei.

Leurs œuvres sont superbes, empreintes de poésie et de beaucoup de délicatesse.

D’une manière plus contemporaine, le sumi-e est toujours pratiqué, mais un élément rouge (souvent le soleil ou les fleurs de sakura) est fréquemment ajouté.

Je pense qu’il me serait possible d’écrire un article complet uniquement sur le sumi-e tant il est magnifique et fascinant.

Un vieux proverbe dit :

Ceux qui ont baigné dans la peinture vivront plus longtemps, parce que la vie créée par le toucher du pinceau renforce la vie elle-même.

Lavis japonais par Sesshu

 

En Europe

Le lavis fait son arrivée sur notre continent à la Renaissance. Il est principalement utilisé par Nicolas Poussin, Jean-Honoré Fragonard et Rembrandt, pour ses croquis.

La nécessité d’une seule couleur pour cette technique est parfaite pour le clair-obscur.

Pour la petite anecdote, sachez que Victor Hugo était un grand amateur de lavis.

L’encre (qu’il mélangeait à du café) lui permettait d’exorciser ses angoisses, ses cauchemars et ses obsessions.

Ses nombreuses œuvres ont d’ailleurs déjà fait l’objet d’expositions. On ne peut toutefois pas dire qu’elles reflètent une joie de vivre particulière. Elles sont majoritairement sombres et tourmentées.
 

Après la photo mise à la une en haut de cette page, voici une nouvelle oeuvre de... Victor Hugo ! Qui l'eu cru !

Travailleurs de la mer par Victor Hugo

 

Le lavis

 

Définition

Selon le dictionnaire Larousse, le lavis se définit de 2 manières (rappelons qu’il définit la technique et l’oeuvre terminée) : 

  1. Procédé tenant du dessin et de la peinture, qui consiste dans l'emploi d'un pigment délayé à l'eau, spécialement l'encre de Chine, passé au pinceau.
  2. Œuvre ainsi obtenue. (Généralement monochrome [bistre, sépia, aujourd'hui encre de Chine], le lavis permet d'indiquer le modelé des choses en distribuant les ombres et les lumières. Peinture extrême-orientale, depuis le Xe s. environ ; artistes occidentaux classiques : Vénitiens du xvie s., Poussin, le Lorrain, Rembrandt…).

Comme son étymologie l’explique, il s’agit de délaver la couleur en la diluant. Cette dernière est principalement de l’encre de Chine, de l’aquarelle, de l’encre sépia, du brou de noix…

Il y a différentes façons de procéder pour obtenir cet effet délavé. Il est possible de travailler sur un papier sec et d’ensuite diluer la peinture avec de l’eau avant de l’appliquer.

Il est également possible de commencer par mouiller le papier puis appliquer aussitôt la peinture qui va naturellement se diluer sur le papier mouillé.

Le lavis peut être utilisé en peinture, en dessin ou en croquis.

Lavis par Poussin
 

Différence entre lavis et glacis

On peut parfois confondre ces 2 techniques puisqu’elles font toutes 2 appel à la dilution de la couleur.

Dans le cas du lavis, la dilution se fait à l’eau (utilisation d’aquarelle, d’encre…).

Pour le glacis, un effet de brillance est attendu (comme le glaçage d’un gâteau). Dans cette technique, c’est de la peinture à l’huile qui est utilisée. Il s’agit de poser une couche de peinture à l’huile sur une précédente couche déjà sèche. Les couches successives sont fines, lisses et transparentes. Le glacis est notamment efficace pour créer des effets de profondeur très réalistes.

 

Matériel pour lavis

Il existe des pinceaux spéciaux pour cette technique de lavis.

Ils sont très esthétiques et ressemblent aux pinceaux japonais utilisés en calligraphie.

Voici quelques exemples :

  • pinceau à lavis petit gris pur, Léonard. Haut de gamme, son prix commence à 15 euros, en fonction de sa taille ;
  • pinceau en petit gris pur, Isabey. Haut de gamme, lui aussi, il est réalisé à la main. Il existe en différentes tailles, à partir de 15 euros également ;
  • brosse Haké en pure chèvre. Réalisé en poils de chèvre, il peut être utilisé pour le lavis. Disponible en largeur de 25, 50 ou 75 mm.
  • pinceaux à réservoir Pentel. Ils sont composés d’une pointe de poils synthétiques et d’un corps réservoir à remplir d’eau et de liquides diluables à l’eau. Comptez 16 euros pour 3 pinceaux de tailles différentes (pointes fines, moyennes et larges).
  • coffret Black & White Édition, DaVinci. Ces 3 superbes pinceaux et leur coffret à fermeture magnétique sont au prix de 80 euros.

Vous devez également choisir un bon papier : il ne doit pas être trop fin, il risquerait de gondoler. Optez pour un papier pour peinture à l’eau (papier à aquarelle par exemple).

 

Avant de vous en dire plus sur la technique du lavis et comment procéder, je vous rappelle qu'en ce moment vous pouvez rejoindre la formation "La Peinture c'est Facile!". Et profiter de plus de 400 heures de cours de peinture.

Si ça vous intéresse, vous pouvez cliquer ici pour profiter de 7 jours d'essai offerts en cliquant ici :

 

 

Technique du lavis : comment faire ?

 

Maintenant que vous avez du bon matériel, lancez-vous !

En premier lieu, réalisez votre “jus”. Le jus est un mélange d’eau et de couleur, vous devez en prévoir une bonne quantité afin de ne pas devoir interrompre votre travail pour en préparer un nouveau.

Pour plus de facilité, esquissez discrètement ce que vous souhaitez peindre. Ces contours légers vont vous permettre de savoir où poser votre couleur, vos ombres, vos zones claires. Surtout si vous débutez, ce prérequis vous facilitera la tâche.

Pour des lavis plus homogènes, n’hésitez pas à pencher légèrement votre papier : ainsi, vous utilisez la gravité et les pigments de couleur vont se délier plus régulièrement.

Ayez un geste rapide et assuré. En effet, il n’est pas recommandé de lever votre pinceau de la feuille. Le lavis interdit le repentir : ne revenez jamais sur ce que vous venez de peindre ! 

Même si le résultat ne vous satisfait pas sur le moment, résistez à l’envie de le reprendre.

La perfection ne sera peut-être pas pour votre premier essai. Mais, ce n’est pas grave.

Commencez par le haut de votre feuille puis de gauche à droite.

Il est important que le geste soit rapide ; le séchage de l’aquarelle pourrait laisser des traces de contours inesthétiques entre 2 traits au pinceau trop distincts dans le temps.

Souvenez-vous que plus vous diluez votre vos pigments, plus la peinture sera claire. Les teintes plus foncées sont parfaites pour créer les ombres et les éléments forts de votre lavis.

Une fois que vous commencez, ne vous arrêtez pas tant que la peinture n’est pas terminée.


Voilà à vous de jouer !

À vos pinceaux !

René Milone

René